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21/07/2013

QUELQUES NOUVELLES D'ICI ET D'AILLEURS

Bonsoir à tous et à toutes,

 

J'ai le plaisir de vous présenter le petit dernier. "Quelques nouvelles d'ici et d'ailleurs", un recueil de trois nouvelles. Il sera bientôt disponible dans les librairies de Saint-Omer. Il est déjà en vente sur internet, chez The BookEdition au prix de 10 euros.

 

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Entre le combat quotidien de Jeanne contre le cancer, le passé de Cassandre qui soudain refait surface et Julie qui vient de perdre tragiquement l'homme de sa vie alors qu'elle porte son enfant, la vie est loin d'être rose. Et pourtant...

23:22 Publié dans Nouvelle | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelles, livre

17/08/2010

L'INCONNU AUX LUNETTES NOIRES (nouvelle)

"- Coupez ! C'était parfait, déclara le metteur en scène. Nous avons enfin touché le but. Maintenant, il nous reste à savoir si le grand patron sera satisfait ou non de son film.

- S'il ne l'est pas, qu'il le réalise lui même, répondit soudain une voix féminine.

- Cassandre ! Comment peux-tu dire une chose pareille sur notre chef, demanda-t-il en souriant

- De toute façon, je ne le connais pas. Je parierais même qu'il ignore mon existence.

- Ne t'en fais pas pour ça, Cassandre. Tout va s'arranger plus vite que tu ne le penses. Tu pourras faire sa connaissance dès ce soir, au grand dîner que la production organise pour la clôture du film.

- Mon Dieu ! C'est vrai, s'écria la jeune femme. J'avais complètement oublié. De plus, j'ai promis à Solenne de passer la soirée avec elle.

- Pourquoi ne pas l'emmener avec toi ? suggéra Tony, le responsable des projecteurs. Nous l'aimons tous ta petite Solenne. Elle est si mignonne et si drôle !

- Tu n'y penses pas ! Elle est bien trop jeune pour s'immiscer dans un tel mode de vie. Non, je demanderai à Rachel de la garder."

 

Cassandre refoula soudain une mèche rebelle qui lui barrait le front. Aujourd'hui, elle s'était tressée la chevelure afin de ne pas souffrir de la chaleur de ce mois de juin. La jeune femme avait hérité de la beauté de sa mère : une longue chevelure cuivrée tombant jusqu'au creux des reins, un joli visage hâlé par le soleil dans lequel se reflétaient deux magnifiques prunelles pers, frangées de longs cils foncés. La nature lui avait, également, offert un corps élancé et svelte. Cassandre se perdit soudain dans ses pensées. Solenne ! Comme elle était injuste envers elle. Elle avait l'impression de pas s'être assez occupée de cet enfant durant ces six derniers mois. Depuis le début du tournage, elle avait, rarement, eu le temps de la voir grandir. Solenne était la fille de Cassandre. Une petite fille aussi blonde que sa maman pouvait être rousse. Une petite fille de 4 ans, toute aussi jolie que sa maman. La jeune femme l'élevait seule. La fillette ne savait pas ce qu'était un père ! Elle n'avait jamais eu la chance de le connaître. Du jour où il apprit qu'il allait être papa, il quitta sa fiancée, prétextant qu'il était encore trop jeune pour assumer de telles responsabilités, qu'il voulait profiter pleinement de la vie avant de se fixer...

 

Ils étaient tous les mêmes, ces hommes. Ils vous faisaient croire à leur amour, vous promettaient mille et une choses et le jour où vous leur donniez le fruit de votre union, ils vous tiraient la révérence. Cassandre s'était jurée, depuis, de ne plus jamais tomber dans le piège. Les hommes, pour elle, ne comptaient plus. Seuls sa fille et son travail remplissaient sa vie.

 

C'était une jeune femme très large d'esprit et de caractère pour ses 26 ans. Elle assumait pleinement son rôle de mère, gagnant assez pour vivre et voyager. C'était pour cela, qu'elle avait décidé de prendre de longues vacances, sitôt le film terminé, afin de rattraper le temps perdu. Peut-être irait-elle rendre visite à sa mère qui, depuis dix ans, avait refait sa vie avec un riche homme d'affaires, en Italie. La dernière fois que Cassandre lui avait écrit, c'était pour lui annoncer la naissance de Solenne. Durant ces dix dernières années, la jeune femme avait vécu avec son père. Hélas, ce dernier succomba l'année précédente à un infarctus. A présent, elle vivait seule avec sa fille. Elles occupaient, toutes deux, un vaste appartement dans un vieux quartier de Lille. Mais son emploi du temps l'obligeait souvent à se déplacer. C'est pourquoi, en ce moment même, elle se trouvait à San Francisco, dans l'Etat de la Californie.

"- Cassandre ? A quoi rêves-tu ?"

Elle n'avait pas fait attention à ce que l'équipe disait.

"- Pardon ! Déclara-t-elle un peu gênée. Vous me parliez ?

- Oui et on te disait qu'il serait temps de se préparer, déclara Charlie, le metteur en scène. Il nous reste à peine deux heures avant la réception. Le temps de ranger le matériel et s'habiller...

- Tu as raison. Pendant ce temps, je vais voir Rachel. A tout à l'heure les hommes !"

La jeune femme sortit du studio, emprunta l'escalier de service pour accéder au parking souterrain où était garée une BMW gris métallisé. Cassandre appuya sur sa clé. Deux feux orange clignotèrent pour avertir que les portes étaient dévérouillées. Elle monta à l'intérieur du véhicule, se regarda dans le rétroviseur afin de se recoiffer puis mit, enfin, le contact. La voiture démarra sans bruit puis sortit doucement du parking pour s'engager sur une grande route bordée d'une longue baie. Au fur et à mesure qu'elle longeait le Pacifique, l'automobile avalait les kilomètres qui reliaient le studio à l'hôtel où elle logeait avec toute la troupe. Elle passa bientôt sous le grand pont du Golden Gate. Un quart d'heure plus tard, Cassandre arriva à "l'American Hôtel". Elle gara son véhicule sur le parking privé puis entra. La jeune femme s'avança vers la réception. Ses vêtements lui collaient à la peau et ce qu'elle désirait le plus en ce moment, c'était voir sa fille et prendre un bon bain.

 

"- John ! demanda-t-elle à un jeune homme noir vêtu d'une livrée rouge. La clé du 312 B, s'il vous plaît.

- Tout de suite, mademoiselle Godard. Votre journée s'est-elle bien passée ?

- Disons qu'elle a été plutôt harassante. Au fait, John, j'aimerais savoir si tout sera prêt pour la réception de ce soir ?

- N'ayez crainte, mademoiselle. Encore quelques détails de dernière minute et dès 20 heures, comme prévu, vous pourrez disposer de la salle.

- Merci John !

- Je vous en prie, mademoiselle Godard. Satisfaire la clientèle fait partie de notre devoir. Bonne soirée mademoiselle.

- Appelez-moi, Cassandre. Depuis le temps que je vis à l'hôtel ! Bonne soirée à vous aussi John."

La jeune femme regarda sa montre puis se dirigea vers l'ascenseur mais déjà les portes se refermaient.

"- Eh ! Attendez ! cria-t-elle. Je monte, moi aussi."

Deux grosses mains retinrent aussitôt les portes, permettant ainsi à la jeune femme de pénétrer dans la cabine.

"- Merci, souffla-t-elle. C'était juste !

- Je vous en prie, répondit l'homme d'une voix bien timbrée. Le plaisir était pour moi. Quel étage ?

- Troisième !"

Tandis que l'ascenceur avalait les étages, l'inconnu ne cessait de la regarder derrière une paire de lunettes de soleil. Discrètement, elle le détailla. Il était plutôt grand, bien bâti. Il pouvait avoir entre trente et trente cinq ans. Brun, visage basané par le soleil, il n'était pas vraiment beau mais émanait de chez lui un certain charme. Un charme d'ailleurs mystérieux, pensa-t-elle ! Puis elle remarqua, soudain, un rictus se dessiner sur ses lèvres. Il lui sourit d'un air narquois. Parbleu ! Il se moquait d'elle !

"- Puis-je vous demander ce qui vous amuse ? C'est de moi dont vous riez ?

- Plaît-il ?

- Vous m'avez très bien compris. Ne jouez pas aux innocents, voulez-vous ! J'ai très vite remarqué que vous vous moquiez de moi.

- Je ne vous suis pas, mais alors, pas du tout, lui répondit-il dans un large sourire qui lui offrit deux rangées de dents blanches.

- C'est cela, oui ! Qu'ai-je donc de si drôle ? Mon attitude ? Ou alors un détail physique ? C'est ça, un détail physique ! Je ne suis pas de votre goût ! De toute façon, je m'en moque éperdument."

 

Que lui prenait-il de parler ainsi ? Elle le voyait pour la première fois et lui parlait comme si elle le connaissait depuis toujours. Ce devait sûrement être la chaleur et la fatigue qui lui faisait perdre la tête !

"- Vous vous tromprez, mademoiselle, reprit-il. Je dois même reconnaître que vous êtes une très jolie femme mais...un peu trop écervelée sur les bords.

- Ecervelée ! cingla-t-elle. Mais je ne vous permets pas de m'insulter ainsi, espèce de..., espèce de goujat !"

Cassandre n'avait pas fait attention qu'elle était arrivée au troisième étage.

"- Vous voici arrivée, mademoiselle."

Cassandre étouffa un juron puis s'en fut. Sans se retourner, elle prit l'aile droite puis longea un long corridor aux murs feutrés avant d'arriver à ses appartements. A l'instant même où elle introduisait la clé dans la serrure, la porte s'ouvrit lentement pour laisser apparaître une petite fille en pyjama.

"- Maman ! s'écria l'enfant en s'élançant dans les bras de sa mère.

- Mon coeur ! lui répondit-elle en l'embrassant tendrement. Je suis si contente de te voir. Tu m'as manquée, tu sais. Comme d'habitude. As-tu été sage mon trésor ?

- Oui, maman.

- En es-tu sûre ? lui demanda sa mère, les yeux pétillants de malice."

L'enfant baissa soudain les yeux comme pour se faire pardonner d'une bêtise.

"- J'ai pas fait exprès ! dit-elle en pleurant."

Au même instant, une jeune femme un peu rondelette fit son apparition.

"- Ah mademoiselle ! Vous êtes rentrée. Je ne vous ai pas entendue.

- Ce n'est pas grave, Rachel. Qu'à donc encore fait comme bêtise, ce petit monstre, aujourd'hui ?

- Elle a cassé le vase qui se trouvait dans votre chambre. Celui qui se trouvait sur votre table de chevet. Elle ne l'a pas fait exprès. Toujours est-il que j'ai ramassé les morceaux au cas où vous voudriez le recoller.

- Ce ne sera pas nécessaire, Rachel. Mais merci quand même. De toute façon, je le trouvais horrible et m'en serai débarassé un jour où l'autre. Maintenant que c'est fait ! Au fait, ça ne vous dérangerait pas de me garder Solenne ce soir ? J'ai un dîner pour la clôture du film. Je m'y prends un peu tard, c'est vrai mais je l'avais complètement oublié.

 

Cela faisait bien une demi-heure que Cassandre se prélassait dans l'eau parfumée du bain. Non sans penser à cet inconnu dans l'ascenseur. Quel monstre ! Jamais personne, auparavant, ne s'était permis de l'insulter "d'écervelée". Pour qui se prenait-il ? Oh, et puis quelle importance, après tout. Elle ne le connaissait même pas. Elle n'avait aucune chance de le revoir et cela ne valait pas la peine de s'y attarder. Pourtant, il avait l'air si intriguant, si mystérieux. Enfin ! Quelques minutes plus tard, elle décida, à regret, de s'arracher des flots tièdes et réconfortants. Enfilant son peignoir de bain blanc, elle s'essuya vigoureusement les cheveux. Puis la jeune femme s'habilla d'une longue robe de soirée, noire, laissant entrevoir un joli décolleté bronzé. " A quoi pouvait-il bien ressembler ce Lenny Marietti ?"  pensa-t-elle. Ses amis le disait vieux. Cassandre regarda soudain sa montre. Elle devait faire vite si elle voulait être à l'heure. Après s'être maquillée et coiffée, elle chaussa ses sandales aiguilles, s'enveloppa d'un nuage de parfum puis s'en fut. Un instant plus tard, Cassandre prenait l'ascenseur.

"- Cette fois-ci, je suis seule, remarqua-t-elle en souriant. Au moins, il n'y aura personne pour m'insulter !"

 

En arrivant dans le hall de l'hôtel, elle s'avança de nouveau vers la réception afin de savoir si la troupe était déjà arrivée. John lui précisa que Charlie l'attendait dans la salle. Tandis que, l'esprit furtif, elle se dirigeait vers la salle de réception, elle bouscula hâtivement un homme. Ce dernier s'abaissa, dans un juron, afin de ramasser une pile de documents éparpillés d'un dossier qu'il avait laissé tomber dans la bousculade. Pour se faire excuser, Cassandre s'abaissa également pour l'aider mais ses yeux rencontrèrent de nouveau une paire de lunettes noires sur un visage fermé, glacial !

"- Encore vous ? s'écria-t-il d'un ton mi-surpris, mi-sarcastique. Décidément, on ne croise que vous ce soir. Vous me suivez ou quoi ? Non seulement, vous n'êtes qu'une petite écervelée mais en plus vous foncez droit sur les gens. Savez-vous comment on appelle les personnes comme vous ? Des miss catastrophes !

Alors là, c'en était trop ! Elle n'allait tout de même pas se laisser insulter davantage par ce type arrogant. Son sang ne fit qu'un tour dans ses veines, et, sans réfléchir le gifla à toute volée puis partit sans perdre une seconde devant l'air hébêté de son interlocuteur. Il l'avait chercheé, après tout. C'était bien fait pour lui ! Satisfaite, elle gagna enfin la salle où l'attendait Charlie, ainsi que les autres membres de l'équipe.

"- Tu en as mis du temps, Cassandre ! s'écria Sébastien, le technicien. A la réception, on nous a dis que tu étais partie depuis une quinzaine de minutes."

 En un instant, la jeune femme leur conta ses mésaventures de ces deux dernières heures, allant de colère en grimace comique. Mais lorsqu'elle leur raconta la gife envoyée à son malfaiteur, l'équipe entière ne put s'empêcher d'éclater de rire.

"- Bravo Cassandre ! rétorqua Charlie. Tu as très bien agi mais j'avoue qu'il faut être gonflé pour faire çà."

 

La jeune femme, accompagnée de Tony, se dirigea vers le buffet afin de prendre un alcool pour se remettre de ses émotions. Tout en discutant, ils s'échangèrent leurs adresses mail et leurs numéro de portable pour rester en contact. Ce soir, c'était la dernière soirée qu'ils passaient ensemble et bien que Cassandre travaillait pour la même société depuis trois ans, son équipe n'était pas toujours la même à chaque tournage. Un instant, la jeune femme regarda sa montre. Décidément, son patron se faisait attendre.

"- Veuillez excuser mon retard, déclara soudain une voix masculine ! J'ai été retardé par un petit contretemps."

Un verre tomba soudain sur le sol pour se briser en mille éclats, renversant la vodka orange qu'il contenait. Blanche, livide, Cassandre se cacha derrière Tony, comme pour disparaître de cet endroit qui la rendait mal à l'aise. Sans même le voir, elle avait reconnu cette voix sarcastique. Le contretemps, c'était elle et sans le savoir, elle avait giflé, quelques minutes auparavant, son patron. La voyant bouleversée, Charlie vint aussitôt à son encontre et comprit, rien que par son expression, que son malfaiteur n'était en fait que Lenny Marrietti !

*      *

 *

"- Je n'accepte pas votre démission, mademoiselle Godard ! Malgré nos différents de la veille, je dois reconnaître que vous avez effectué d'excellentes prises de vues. J'aurai besoin de vous pour un prochain film.

- Ne comptez pas sur moi, monsieur Marietti ! Ma décision est prise. Je n'y reviendrai pas. De toute façon, j'y pensai depuis quelques temps déjà.

- Pensez un peu à ce que vous dites, mademoiselle. Vous avez la chance d'avoir un travail qui vous assure un avenir prometteur. Vous êtes l'une de mes meilleurs cameramans et vous voudriez renoncer à un tel métier. Tout ça, sur un simple coup de tête ! Vous plaisantez, n'est-ce-pas ?

- Pas le moins du monde ! Mais voyez-vous, monsieur Marietti, je ne suis pas seule dans la vie. Il y a un être que j'aime plus que tout au monde. Oui, monsieur, j'ai un enfant. Un enfant que je n'ai pas vu grandir ces dernières années. Elle a besoin de sa mère tout comme j'ai besoin d'elle. A présent, je vais me consacrer totalement à elle. Ensemble, nous allons rattraper le temps perdu. Est-ce clair ?

- Et son père dans cette affaire ? Y avez-vous pensé ?

- Cela ne vous regarde absolument pas, monsieur Marietti. Est-ce que je vous demande pourquoi vous gardez toujours ces lunettes noires. Qu'avez-vous à cacher ? Vous manque-t-il un oeil ? Ou alors, vous êtes peut-êtes recherché ?

- Un point pour vous ! Mais vous conviendrez que pour élever un enfant, il faut de l'argent, donc un travail ! Si vous abandonnez votre métier, vous serez très vite à bout de ressources. Vous êtes en train de faire une belle erreur.

- Pas du tout ! Ne vous inquiétez pas pour moi. J'ai largement de quoi subvenir à nos besoins. J'ai assez d'argent pour vivre et voyager. Ce n'est pas un problème, croyez-moi ! D'ailleurs, demain, nous partons pour l'Italie.

- Combien de temps pensez-vous vous absenter ? Demanda-t-il curieux.

- Jusqu'à la fin de l'été. Peut-être plus. Pourquoi cette question ?

- J'ai une proposition à vous soumettre. Ecoutez, je vous laisse partir le temps nécessaire. Prenez un congé, disons, sabbatique. Et si à votre retour, vous n'avez toujours pas changer d'avis, alors là seulement, j'accepterai votre démission. Cela vous convient-il, mademoiselle Godard ?"

*      *

 *

"- Attache ta ceinture, mon coeur, nous allons atterrir !"

Cassandre et sa fille étaient parties tôt ce matin. Après avoir réglé quelques détails, elles s'étaient envolées pour l'Italie. Il était un peu plus de 17 heures, avec le décalage horaire, quand elles sortirent de l'aéroport de Florence. La mère de Cassandre était venue les chercher, comme convenu, dans la conversation téléphonique passée la veille. Au fond d'elle même, même si elle appréhendait ce moment, la jeune femme attendait ces retrouvailles depuis tellement longtemps. Sa mère n'avait pas vieilli, bien au contraire. Elle était toujours aussi belle et le sourire radieux qu'elle leur adressait en guise de bienvenue montrait à quel point elle était heureuse. Heureuse, non seulement, de retrouver sa fille et connaître enfin sa petite fille mais heureuse aussi dans sa vie de tous les jours. Bref, le bonheur qui rayonnait sur son visage l'avait rajeuni. En un instant, la rancoeur de la jeune femme s'envola. Elle ne lui en voulait plus d'avoir quitté son père pour un autre homme !

Elles se dirigèrent toutes trois vers un parking où étaient garées un grand nombre de véhicule dont un cabriolet de couleur vanille. Après avoir rempli le coffe de bagages, elles montèrent à l'intérieur. La mère de Cassandre mit le contact et la voiture sortit doucement du parking pour s'engager sur une grande route bordée de boutiques de luxe.

"- Ce soir, Cassandre, tu feras enfin la connaissance de Sergio. Il n'a pas pu m'accompagner car il a été retenu pour affaires. Sergio est très gentil. J'espère qu'il te plaira. Nous habitons une ravissante maison, juste à la sortie de Florence, sur les hauteurs de la campagne Toscane."

Le reste du trajet se fit dans le silence. Cassandre et sa fille regardaient avec curiosité et surprise le magnifique paysage qui s'offraient à leurs yeux. Vingt minutes plus tard, elles arrivèrent enfin à la résidence. Cassandre descendit la première et prit Solène par la main. Elle n'en crut pas ses yeux quand elle vit la magnifique villa à colonnades. Avec ses vertes collines à perte de vue, elle éprouva soudain l'envie de s'envoler pour parcourir tous ces kilomètres de rêve. La jeune femme regarda, un instant, sa mère, les larmes aux yeux, lui sourit puis regarda sa fille. Emerveillée par tant de beauté, Cassandre prit la petite dans les bras et la fit tourner en riant de bonheur. Le soleil inondait leur joie si intense ! C'était une énorme bâtisse construite à la fin du XVIIIe siècle, beige et verte avec d'immenses colonnades beige qui soutenaient une élégante terrasse agrémentée de fleurs. De magnifiques statues romaines montaient la garde à divers endroits du jardin. L'intérieur de la maison était divin ! Les murs en pierres, les meubles et les tableaux anciens, les fauteuils aux couleurs vives et gaies et les voilages aux couleurs chaudes vous donnaient un avant goût du paradis !

Le soir même, comme convenu, Cassandre fit la connaissance de Sergio Cantarès. Un bel homme d'une cinquantaine d'années à l'allure élégante. La jeune femme fut tout de suite séduite par ce charme qui reflétait l'authentique séduction des italiens. 

Cela faisait un peu plus de quinze jours que Cassandre et sa fille demeuraient à Florence. En découvrant cette ville, Cassandre comprit à présent pourquoi sa mère avait été conquise par ces lieux mystérieux. Florence, la ville de la renaissance, Florence la magnifique, l'immortelle. Ville médiévale avec sa cathédrale, ses édifices, ses couvents, ses palais... Bref, une ville à étourdir par sa beauté !

Quelques temps plus tard, la jeune femme décida de partir trois jours, avec Solène, à la découverte de l'Italie. Le premier jour, elles visitèrent Rome, cette fameuse cité regroupant  toutes les époques, allant de la richesse à la pauvreté. Une ville célèbre pour ses monuments à pierre ocre, pour ses palais, ses ruines évoquant des mystères et des souvenirs. Le jour suivant, elles remontèrent jusque Sienne. Cassandre découvrit une ville magnifique aux couleurs gaies et une atmosphère chaleureuse. Elle apprit que Sienne, ne se trouvant qu'à 70 kilomètres à peine de Florence, avait été sa rivale durant le Moyen âge. Le dernier jour, elles firent un saut jusqu'à Venise. Venise, célèbre pour ses prodigieux trésors où nul, envoûté, ne pouvait résister à son charme, à sa séduction que reflètaient ses secrets et ses mystères. Cassandre emmena sa fille faire une promenade en gondole. Ce ne fut que tard dans la nuit qu'elles rentrèrent à Florence, la tête pleine de souvenirs et de rêves.

 

Le mois d'août fit son apparition. Les vacances de Cassandre tiraient à sa fin. Sergio Cantarès et sa femme avaient décidé d'organiser une petite fête entre amis pour le départ de Cassandre et de Solenne. Ces deux dernières n'étant au courant de rien avaient reçu l'ordre d'être plus belles que jamais. Ce soir, une surprise les attendait ! La jeune femme s'habilla d'un fourreau de soie violet. En se regardant dans le miroir, le reflet lui renvoya l'image d'une grande beauté. Elle pivota sur le côté et contempla ses courbes. Parfaites ! Cette robe lui seyait à merveille et mettait sa silhouette en valeur. Cassandre ramena sa longue chevelure cuivrée sur le sommet du crâne et la fixa avec plusieurs peignes. Elle fit retomber quelques mêches de chaque côté puis se maquilla. Elle était prête. Il ne lui restait qu'à chausser ses sandales aiguilles.

Quand sa mère vint la chercher, vers 19h00, elle ne se douta pas un seul instant ce que cette soirée lui réservait. Elles montèrent toutes trois sur la terrasse où un buffet de saveurs italiennes était dressé. Quelques invités se tenaient debout, discutant de choses et d'autres.

"- Maman ! dit-elle, l'air hébêtée. Que font tous ces gens ici ?

- Eh bien ma chérie, ceci est une fête en ton honneur. Comme tu repars bientôt, c'est notre cadeau à Sergio et à moi !

- Maman !

- Chut ! Ne dis rien. Viens que je te présente à nos amis. Ensuite, nous irons prendre un apéritif."

Tandis qu'elles firent le tour des invités, Cassandre remarqua soudain un vieil homme aux cheveux grisonnants, avec une allure très élégante pour son âge.

"- Maman, qui est cet homme ? Demanda-t-elle.

- Ah ! C'est notre plus proche voisin. Il s'appelle Lenny Marietti !

 

La jeune femme s'étrangla avec une gorgée de vodka orange. Elle toussa, toussa encore avec ce liquide qui lui brûlait la gorge. Lenny Marietty ? Après tout, peut-être n'était-ce qu'une simple coïncidence. Oui, c'était cela ! Une coïncidence, un homonyme, voilà tout !

"- Que fait-il dans la vie ? demanda-t-elle curieuse.

- Lenny est producteur de films. D'ailleurs Sergio travaille avec lui pour un prochain long métrage. Il lui fournit les investissements nécessaires.

- Ce n'est pas possible maman. Lenny Marietty est mon patron. Il est même très jeune.

- Je vois, ma chérie. Ce n'est pas Lenny dont il s'agit mais de son petit fils. C'est lui qui se déplace à l'étranger. Il surpervise les affaires de son grand-père."

Cassandre avait besoin d'être seule. Tout ceci l'avait contrariée. Elle redescendit de la terrasse et alla se promener dans les jardins de la villa. Elle se remit à penser à cet homme, son soi-disant patron. Pourquoi n'avait-il pas dit sa véritable identité ? Pourquoi portait-il toujours des lunettes comme pour se cacher de quelque chose ou de quelqu'un ? Et pourquoi avait-elle cette impression mystérieuse de l'avoir déjà vu ? Pensive, elle prit la direction de la roseraie, prit place sur un banc parmi toutes ces fleurs. La jeune femme respira un lon moment les senteurs captivantes de ces roses.

 

"- Bonsoir Cassandre ! Dit une voix derrière elle."

Cassandre se releva, se retourna et...aperçut son inconnu aux lunettes noires. Cette fois-ci, il daigna ôter son masque. Cassandre recula d'un bond.

"- Franck ! s'écria-t-elle.

- C'est bien moi ! Surprise non ?"

Surprise, elle ? Furieuse, oui ! Cet homme n'était autre que Franck Berthiez, l'homme qu'elle avait cru aimer autrefois et l'avait abandonnée. En un mot, c'était le père de Solenne.

"- Que me veux-tu après toutes ces années ? lui demanda-t-elle rouge de colère. Et pourquoi te faire passer pour le petit fils de Lenny Marietty ?

- Lenny est réellement mon grand-père, Cassandre. Ma mère s'appelait Sophia Marietti. Elle était mariée avec un français.

- Je réalise qu'à l'époque je ne te connaissais pas vraiment..."

 

Ensemble, ils longèrent les allées fleuries et discutèrent un long moment, s'arrêtant de temps en temps pour des explications plus tendues, des reproches plus amers.

"- Je vois que tu as réussi à te fixer, lui déclara-t-elle. Mais pourquoi refaire surface dans ma vie, maintenant. Il n'y a pas de place pour toi, Franck !

- Je sais que j'ai commis d'impardonnables erreurs par le passé et je regrette profondément. Tu as le droit de m'en vouloir. J'implore ton pardon Cassandre et j'aimerais connaître ma fille."

 

C'était donc cela ! La jeune femme était décidé à l'envoyer au diable quand elle vit soudain le visage de Franck s'assombrir. C'est à cet instant qu'elle comprit qu'il était temps d'effacer le passé, qu'il avait payé ses erreurs. Il était sincère ! Un long silence suivit avant que Cassandre ne réponde !

 

"- J'ai souffert durant toutes ces années, Franck ! J'ai même souhaité ta mort. Ce sont ma fille et mon travail qui m'ont sauvée. Je continuerai à travailler pour ton grand-père, ne t'inquiète pas. Mais pour ta fille, il te faudra attendre encore. Je dois la préparer doucement à connaître son père. Elle n'a que 5 ans !"

Cassandre tourna sur ses talons et s'éloigna doucement. En chemin, elle se retourna et luid it :

"- Laisse-nous du temps, Franck ! Un jour, peut-être, nous deviendrons amis !"

Puis elle s'éloigna de nouveau, sans se retourner cette fois-ci.

 

 

FIN

 

 

 

 

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14/07/2010

PLUS FORT LA VIE (nouvelle)

PLUS FORT LA VIE

 

La voiture longea le pont qui surplombait le canal. A l'intérieur du véhicule, une femme silencieuse, pensive. Une jeune femme au teint pâle, presque translucide, le regard vide comme dénué de vie. Sa seule compagnie n'était que le ronronnement bruyant du chauffage de sa C4 grise. Dehors, c'était presque l'hiver. Il faisait froid et, malgré la nuit qui commençait à jeter son voile opaque, la ville était encore en pleine effervescence. La circulation restait dense mais cela n'eut pas l'air de l'intriguer. Au contraire ! Elle semblait rouler comme ça, au hasard, sans but, sans destination précise. Un crachin commença, d'abord, par voltiger de ci, de là, puis à brouiller le pare-brise pour s'écraser enfin violemment. La pluie tombait comme un rideau de larmes sur la ville de Lille. Le véhicule emprunta soudain une petite route sur la droite et se gara, bientôt, sur un parking désert.

Jeanne esquissa machinalement un sourire. Jeanne, c'était son prénom. La trentaine, de taille moyenne. Elle n'était pas vraiment belle mais possédait ce charme, ce mystère qui semblait attirer les regards et semblait plaire à tant d'hommes. Sa longue crinière cuivrée entourait l'ovale d'un visage aux traits fins. Jeanne était divorcée et maman d'une fillette de 5 ans. Depuis quelques années, elle avait réussi à réaliser le rêve qu'elle caressait depuis toujours : celui de s'occuper d'animaux. Elle dirigeait, à elle seule, une petite pension et accueillait à la moindre occasion, des animaux abandonnés, malades ou blessés. Elle les soignait avec habileté et se chargeait, une fois guéris, de leur trouver un foyer stable et chaleureux. Jeanne n'était pas riche mais avait sa clientèle régulière. Le salaire qu'elle percevait lui permettait de mener une vie raisonnable.

Son visage s'éclaira un instant. Ses yeux verts semblèrent admirer cette pluie qui tombait à n'en plus finir. Elle trouvait cela beau. N'importe qui aurait pu la prendre pour une idiote mais cela n'avait aucune importance. C'était beau, tout simplement ! Son regard se perdit à nouveau dans le vide. Elle grimaça profondemment et ferma, très fort, les paupières. Si fort comme si elle ne voulut plus jamais les ouvrir. En vain ! Un instant, une acalmie s'empara de la pluie. Un inconnu qui passait devant sa voiture la dévisagea, l'espace d'une seconde, l'air interrogateur. Elle le fixa, se pinça les lèvres, haussa les épaules puis éclata soudain en sanglots. Jeanne, contrairement à ce que les gens pourraient penser en la voyant, n'était pas idiote, non. Jeanne était malade, tout simplement. Tout s'effondra autour d'elle, cet après-midi lorsqu'elle sortit de l'hôpital. Elle qui avait mis tant de force et d'espoir pour reconstruire sa vie après une éprouvante déception sentimentale. Elle qui avait, malgré tout, essayé de retrouver un semblant de bonheur pour son enfant, venait de voir, en l'espace d'un instant, sa vie basculer à nouveau. Jeanne était atteinte d'un cancer ! Cette terrible maladie dont tout le monde n'osait à peine prononcer le nom tant elle faisait peur. Cette maladie dont tout le monde pensait que ça n'arrivait qu'aux autres.

*     *

 *

Il y a quelques semaines, elle avait eu un doute. Alors qu'elle prenait une douche, elle remarqua, ce jour là, des traces rougeâtres sur le corps. Tout d'abord, elle pensa que cela n'était que de simples ecchymoses et qu'elles allaient disparaître aussi vite qu'elles étaient apparues. Mais Jeanne ne se cognait pratiquement jamais. De plus, elle n'aurait jamais marqué à ce point. Et puis, il y avait eu ce saignement de nez qui avait suivi un violent mal de tête. Et cette lassitude qui la pourchassait sans cesse avec, parfois, cette impression d'étouffer. Oui, à partir de ce moment là, elle avait douté. Néanmoins, elle avait très vite rejeté cette idée morbide de son esprit. Jeanne avait préféré incriminer le stress, son échec passé.

*    *

*

C'était il y a un peu plus de deux ans. Alors qu'elle rentrait chez elle après sa journée de travail, l'homme qu'elle aimait avait quitté le domicile lui laissant une courte lettre  "je fais des efforts chaque jour, j'en ai assez de faire semblant, il n'y a pas de place pour vous deux dans ma vie. Je suis encore jeune, j'ai envie de vivre. J'espère que tu me pardonneras un jour. Tom !" A cette époque, elle aurait voulu mourir. Il aurait même pu lui arriver la pire des choses, elle s'en moquait. Aujourd'hui, le destin la rattrapait, frappant à sa porte sous une autre apparence. Il allait lui offrir ce que jadis elle avait désiré. A la seule différence, c'était qu'aujourd'hui elle voulait vivre, plus fort que tout. Tout ce qui l'énervait auparavant, tout ce qu'elle détestait, au moindre détail, l'émerveillait à présent. Quand le médecin lui annonça qu'elle était atteinte de leucémie, ce fut comme si le temps s'arrêtait. Puis, dès que l'horloge reprit son cours normal, plus rien ne lui parut comme avant. Cet après-midi, Jeanne se demanda ce qu'elle avait fait de mal, pourquoi et si elle avait mérité cela. A cet instant, elle se sentit soudain anéantie, vidée, impuissante face à ce mal qui était en train de la dévorer. Ce mal qui, sans le savoir, avait déjà commencé le compte à rebours. Face à sa détresse, le professeur tenta, en vain, de la rassurer.

"- la science a fait d'immenses progrès, vous savez. On ne meurt plus de leucémie comme il y a encore vingt ans. Pris à temps, les chances de guérison sont élevées. Il vous faudra du temps, beaucoup de courage. Surtout ne jamais vous avouer vaincue. Le traitement et votre moral seront les seules armes face à ce combat !"

Et ce soir, Jeanne ne savait pas quoi faire. Elle était désemparée, seule. Personne pour la prendre dans les bras, personne pour l'aider, la réconforter.

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En ce début de matinée, le moral de Jeanne était au plus bas. Il ressemblait à la grisaille du ciel de cette grande ville du Nord. Elle pénétra dans le hall de l'hôpital, laissant les portes automatiques se refermer derrière elle et se dirigea vers l'accueil, son bagage en main.

"- Bonjour, je suis Jeanne Frémont, se présenta la jeune femme. Je suis attendue aujourd'hui.

- Un instant, lui répondit l'hôtesse. Je sors votre dossier. J'aurai besoin de votre carte vitale et vos papiers de mutuelle."

En tapotant sur le clavier de son ordinateur, le nom de Jeanne s'afficha sur l'écran. Le dossier mentionna : "leucémie"! A cet instant, les yeux de la réceptionniste croisèrent ceux de la jeune femme mais voyant l'air embarassée de celle-ci, lui sourit chaleureusement.

"- Votre chambre est prête, madame Frémont. Si vous voulez passer en salle d'attente. Le temps de prévenir l'infirmière de votre arrivée. Elle passera vous chercher pour vous conduire dans votre chambre. Tenez, je vous rends vos papiers."

Jeanne entra dans la salle d'attente. Quelques gens de tout âge patientaient. La jeune femme prit place entre un jeune homme à la mine patibulaire et un vieux couple silencieux. Hier encore, elle confiait à sa soeur qui devrait prendre soin de la pension et de sa fille jusqu'à son éventuel retour :

"- J'ai peur, Mélissa. Peur de ce qu'il va m'arriver. Peur de cette maladie qui me ronge à l'intérieur, peur de perdre le combat. Si je m'en sortais pas, pourrais-tu...

- Non Jeanne, avait coupé sa soeur. Il ne t'arrivera rien, tu m'entends ! Tu vas te battre et gagner. D'accord ? Tu dois gagner. Il le faut, pour Agathe. Elle a besoin de sa mère. Tu dois être forte, Jeanne !

- Je ne sais pas si mes forces m'accompagneront jusqu'au bout. Te rends-tu compte dans quel état je serais ? Je serais méconnaissable."

Jeanne s'était arrêtée de parler, un instant. Elle scruta sa soeur qui se pinçait les lèvres pour éviter de pleurer.

"- Coupe-moi les cheveux, Mélissa, avait-elle continué. Coupe-les moi, je préfère. Plutôt que de les voir tomber. Tu sais que j'ai toujours été fière de ma chevelure. Allez ! Vas-y, coupe-les. Je les rangerai dans une boîte en souvenir."

A cet instant, Mélissa n'avait pu contenir ses larmes qui lui brouillaient la vue. Et c'est alors qu'elle avait serrée, très fort, sa soeur en lui chuchotant à l'oreille :

"- Je serais toujours là, près de toi, Jeanne. Je vais me battre à tes côtés. On va gagner, tu vas voir. On l'aura et on lui brisera les pinces à ce sale crabe. Il ne t'aura pas, je te promets !"

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"- Madame Frémont, je suis Bérénice, l'infirmière qui va s'occuper de vous aujourd'hui. Je vais vous conduire à votre chambre. Ensuite, je vous ferais quelques prélèvements de sang et vous conduirais voir le professeur.

- Je vous suis, répondit Jeanne en se levant."

 

L'infirmière lui emboîta le pas. Deux lourdes portes métalliques s'ouvrirent et laissèrent entrevoir la cabine d'ascenseur. Commençait, alors, le périple, le long combat dont Jeanne ne savait si elle en sortirait vainqueur ou pas. L'ascenseur avala rapidement les trois premiers étages de ce grand hôpital. Les deux femmes longèrent le long couloir aux murs beige vieilli et au sol gris. Les couloirs étaient presque déserts. Seul un vieillard déambula, traînant derrière lui, tant bien  que mal, sa perfusion. Plus loin, une infirmière pénétra dans une chambre en poussant un chariot de soins. Des râles semblaient provenir d'une chambre lointaine. Une drôle d'odeur flotta dans l'air. Une odeur putride, repoussante : l'odeur de la mort ! Jeanne se sentit, soudain, mal. La tête lui tourna. Elle étouffait ; des gouttelettes perlèrent à son front. Tandis que sa vue se troubla, le sol sembla se dérober sous ses pieds.

"- Vite ! Quelqu'un pour m'aider, alerta l'infirmière. Une patiente vient d'avoir un malaise."

Un jeune homme en blouse blanche sortit d'une salle et arriva en courant.

"- Benoît, aidez-moi à la soulever, s'il vous plaît. Sa chambre est juste là. Nous allons l'allonger"

Benoît était le psychologue de l'hôpital. Grand blond aux yeux marrons, il dégageait de sa personne, une chaleur humaine qui savait mettre les gens en confiance. Il apportait aide et soutien aux personnes malades et organisait, deux fois par semaine, une thérapie de groupe. Celle-ci permettait aux patients d'échanger leur cas, leur expérience, leur crainte et leur volonté de s'en sortir.

"-Qui est cette patiente Bérénice ? demanda Benoît

- C'est madame Frémont. Elle est atteinte de leucémie. Elle vient d'arriver afin de débuter une chimio."

Jeanne revint doucement à elle. Les yeux entrouverts, la vue floue, elle essaya de distinguer, tant bien que mal, ces deux visages penchés au dessus d'elle.

"- Que m'est-il arrivé ? demanda-t-elle étourdie. Où suis-je ?

- Vous vous êtes évanouïe au moment même où nous arrivions à votre chambre, répondit l'infirmière."

Jeanne réalisa qu'elle était à l'hôpital. Combien de temps devrait-elle y séjourner ? La jeune femme regarda autour d'elle. La pièce était spacieuse. Deux peintures aux couleurs vives reposaient sur les murs d'un blanc maculé. Une grande fenêtre laissait filtrer la lumière à travers les stores jaunes.

"- Je vous présente Benoît, dit l'infirmière à Jeanne. C'est le psychologue de l'hôpital. Vous pourrez le voir dès que vous le souhaiterez. Reposez-vous un instant, je repasserai un peu plus tard."

 

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"- Comment vous sentez-vous aujourd'hui ? demanda le professeur à Jeanne. L'infirmière m'a fait part de votre malaise. C'est fréquent dans votre cas. Demain, nous procèderons à une ponction de moëlle. Cet examen est pratiquement indolore. Il se fait sous anesthésie locale. Ensuite, nous pensons débuter la première série de chimiothérapie. Il faut savoir que nous avons, aujourd'hui, les moyens nécessaires pour atténuer les effets secondaires liés à ce lourd traitement. La chimiothérapie aura pour but de détruire les cellules anormales qui se propagent dans votre sang et qui risqueraient d'infiltrer les différents organes. Dans ce dernier cas, ils perturberaient leur bon fonctionnement. Elle sera répétée plusieurs fois. Généralement, elle est effectuée par cycles de plusieurs jours chacun. Avez-vous des questions, madame Frémont ?

- Quels sont les effets secondaires ? Que va-t-il m'arriver exactement ?"

Le professeur la scruta d'un oeil attentif. Il se frotta le menton puis répondit d'un ton très professionnel.

"- Vous savez, chaque organisme réagit différemment. Chez telle personne, la chimiothérapie agira sur la croissance des tissus sains comme la peau ou les muqueuses. Chez d'autres, elle produira une perte de cheveux ou encore des nausées.

- J'ai peur, Professeur. Je ne veux pas mourir. J'ai une enfant à élever et pleins de choses à faire.

- Je comprends très bien. Il vous faut garder le moral, même si cela vous paraît difficile. Toute notre équipe sera là pour vous aider. Si vous avez des inquiétudes à ce sujet, n'hésitez pas à consulter notre psychologue."

 

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Plus d'un mois s'était écoulé depuis l'entrée de Jeanne à l'hôpital. Le traitement avait débuté par une chimiothérapie orale. Au début, la jeune femme semblait supporter le traitement. Il ne lui produisait aucun effet secondaire mais très vite son état commença à se détériorer. Jeanne avait des saignements de nez à répétition, ainsi que des vomissements. Un matin, elle se réveilla avec de violentes douleurs osseuses. Si violentes qu'elle en hurla. Le deuxième examen montra une évolution rapide de la maladie. Aussi, l'équipe médicale prit la décision immédiate de la placer sous chimiothérapie lourde.

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Aujourd'hui, Jeanne était allongée, comme depuis des semaines, sur son lit. Elle regardait, affaiblie, couler goutte à goutte ce produit censé la sauver. Jeanne était amaigrie. Contrairement aux déclarations du professeur, elle commençait à ressentir les effets secondaires du traitement. Ses cheveux commençaient à tomber. Elle n'osait plus se coiffer, de peur de tout perdre. De plus, elle avait du mal à avaler. Les aliments ne semblaient plus vouloir acheminer leur parcours vers l'estomac. jeanne avait peur mais elle s'accrochait et continuait de croire, malgré tout, qu'elle s'en sortirait. La photo de sa fille reposait sur son chevet. Un jour, elle prit le cliché entre ses mains, affaiblies, le regarda en souriant avec le peu de lueur d'espoir qui lui restait et lui jura de gagner le combat. Mélissa venait lui rendre visite chaque soir pour lui remonter le moral. Une nuit, Jeanne fut réveillée par une soif intense. Elle se leva, tituba, puis se redressa. Elle se dirigea, doucement vers la salle de bains pour se rincer la bouche. Un autre examen était prévu pour le lendemain et les consignes étaient d'être à jeun. En passant devant le miroir, Jeanne remarqua avec stupeur qu'elle n'avait presque plus de cheveux. Paniquée, terrifiée, la jeune femme se mit à courir dans tous les sens. Puis, dans un moment d'hystérie, elle se mit à tout chambouler dans la chambre. Elle renversa tout sur son chemin, hurlant, cognant dans les portes. Une infirmière et le psychologue, qui étaient de garde, arrivèrent aussitôt. Ils la découvrirent dans un état déplorable. En les voyant, elle courut se réfugier dans un coin, s'accroupit et, enfouissant son visage dans le creux de ses maigres mains, se mit à sangloter.  

"- Ne m'approchez pas, cria Jeanne d'un ton enroué. Ne me regardez pas non plus. Je suis un monstre ! Je n'ai plus de cheveux. J'ai perdu ma féminité. Je me déteste et je déteste mon corps. Il me fait tellement mal ! Combien de temps encore, oui, combien de temps devrai-je encore supporter cela ? C'est pire qu'avant. Au début de ma maladie, j'étais bien. Fatiguée, certes mais c'était supportable. Aujourd'hui, avec le traitement, on dirait que le cancer gagne du terrain !"

Le psychologue s'approcha de Jeanne. Il s'accroupit et tenta de la rassurer.

"- Non, Jeanne, il ne gagne pas du terrain. Au contraire ! Il réagit au traitement voilà tout. Ce sont, hélàs, les effets secondaires que vous ressentez. Tout rentrera dans l'ordre après, vous verrez. Vos cheveux repousseront. Ils seront plus beaux qu'avant. En attendant, pourquoi ne pas mettre un foulard. Regardez-nous, Jeanne. Il n'y a aucune raison d'avoir honte de votre état."

La jeune femme hésita un long moment puis écarta les doigts qui cachaient son visage. Elle ôta enfin les mains et releva doucement la tête pour fixer le psychologue. Les yeux de Jeanne trahissaient toute cette souffrance qu'elle endurait. Le regard du psychologue se voulut chaleureux, rassurant, confiant. L'espace d'un instant, une certaine émotion traversa leur regard. C'est à ce moment là que Jeanne esquissa un timide sourire et montra, enfin, une lueur d'espoir.

"- J'aimerais vous voir à mes séances de groupe. Cela vous apportera beaucoup. Vous n'êtes pas obligée de parler. Le fait d'écouter les autres personnes dans le même cas que vous, vous aidera à surmonter votre épreuve. Soyez-en sûre !"

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  * 

Six mois plus tard, Jeanne allait mieux. Elle retrouva, avec bonheur, sa fille, ses animaux, sa pension. Tout ce qui lui avait manqué et qui lui avait permis de tenir bon. Sa soeur venait l'aider de temps en temps. Jeanne n'était pas guérie mais son état s'était amélioré. Elle avait repris un peu de poids et ses cheveux commençaient à repousser. Elle portait encore un foulard sur la tête mais cela lui seyait à souhait. Les séances qu'elle avait suivi auprès du psychologue lui redonnèrent le courage, la force de se battre. Elle s'était même liée d'amitié avec lui. Quand elle le voyait, elle se sentait en sécurité. Elle savait qu'elle pouvait lui confiait ses craintes. Il avait toujours les mots pour la réconforter, pour lui faire reprendre confiance. La vie repris son cours, avec des bons moments et des moments où la fatigue lui rappela qu'elle n'avait toujours pas gagné le combat. Jeanne se rendait, une fois par mois, à l'hôpital pour subir des examens de contrôle. Les semaines passèrent. L'amitié qui unissait la jeune femme au psychologue se transforma, peu à peu, à un sentiment plus fort. Ils passaient, de plus en plus, de temps ensemble. Jeanne avait l'air heureuse. Elle avait envie de faire des projets mais évitait d'en parler. Il ne fallait pas donner de faux espoirs aux êtres aimés. La jeune femme était confiance, malgré tout. Néanmoins, elle préféra attendre ce jour où le professeur lui annoncerait sa complète guérison.

 

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Ce matin, Jeanne se sentait fatiguée, plus qu'à l'ordinaire. Etait-ce le fait qu'elle fêta son anniversaire deux jours plus tôt ? Toujours fût-il qu'elle sentait bizarre. La tête lui tournait, sa poitrine lui faisait mal, son coeur martelait ses côtes. La jeune femme essaya, malgré tout, d'effectuer son travail à la pension. De toute façon, dans une heure, il lui faudrait rechercher sa fille à l'école. Elle en profiterait pour passer à la pharmacie. En attendant, elle décida de rentrer prendre un bain pour se détendre. Jeanne ouvrit les robinets de la baignoire. L'eau qui s'en échappa se mélangea aux doux parfums des onguents. Jeanne eut chaud soudain. Elle décida d'ouvrir la vitre pour laisser entrer un peu d'air. Elle eut l'impression de mettre un temps fou pour parcourir l'aller retour entre la baignoire et la fenêtre. Jeanne avait du mal à respirer. Chaque mouvement accentuait, plus encore, la douleur au niveau des côtes. Tandis qu'elle se pencha pour arrêter l'eau, un flot de sang se mit soudain à couler de son nez et se mêler au bain. La jeune femme se releva difficilement, s'essuya, d'un revers de la main, le nez et se dirigea vers le miroir. Là, elle se mit à pleurer. C'est alors qu'elle attrapa son portable et composa un numéro, les mains tremblantes. Trois sonneries se succédèrent à l'autre bout du fil avant qu'une voix ne réponde :

"- Allo !

- C'est Jeanne ! dit-elle en sanglotant. Benoît ! La maladie ! Elle est revenue. J'ai peur !

- T'affoles pas Jeanne, j'arrive !"

Jeanne raccrocha et appela sa soeur pour lui demande de passer prendre Agathe à la sortie d'école. Elle lui raconta tout avant de reposer son portable. Une nouvelle douleur, plus forte encore, lui martela la poitrine tandis qu'elle fut prise d'une violente quinte de toux. Elle tenta de gagner sa chambre pour se reposer en attendant Benoît mais elle vacilla puis tout devint noir.

Jeanne se réveilla le lendemain à l'hôpital, très fatiguée. Cela était dû à l'évolution de la maladie qui était passée de la phase chronique à la phase aigüe. Près d'elle, Mélissa se reposait dans un fauteuil. Cette dernière avait passé la nuit à veiller sur sa soeur. A présent, Mélissa sut que les jours de Jeanne étaient comptés. Seule, une greffe de moelle osseuse pouvait la sauver. Le regard des deux jeunes femmes se croisèrent longuement. Un regard mêlé de peur, d'amour et de dernier espoir. A cet instant, Mélissa réalisa que leurs destins étaient liés. Après tout, Jeanne était son autre. Elles avaient, toutes deux, hérité du même capital génétique. Elle avait de grandes chances d'être la seule à pouvoir la sauver. Sa décision fut prise. Aussi, dans un élan d'amour fraternel, elle prit la main de sa soeur et la serra très fort. Si fort comme si elle refusait de la voir partir.

"- Je t'aime Jeanne, déclara-t-elle, les yeux embués de larmes. Je suis toi, tu es moi. Je veux partager plein de choses encore avec toi. Agathe et toi êtes toute ma vie. Je suis prête à tout pour te sauver. Jeanne, je vais te donner ma moelle."

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Quelques jours plus tard, Jeanne fut placée dans une chambre stérile et regarda la vie couler, goutte-à-goutte, dans ses veines. Mélissa la regarda depuis une vitre. Les larmes aux yeux, elle lui sourit chaleureusement. Deux de ses doits formèrent un "V". Elle lui avait promis qu'elle gagnerait. Tout se passait bien. Jeanne devrait rester encore un moment à l'hôpital pour vérifier que la greffe fonctionne correctement.

Petit à petit, la jeune femme reprit des forces, des couleurs. Grâce à sa soeur, elle pourrait voir Agathe grandir et pourrait enfin réaliser les projets qui lui tenaient tant à coeur.

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Aujourd'hui, Jeanne sortit de l'hôpital. Les médecins jugèrent son état satisfaisant. Il lui faudrait revenir faire des examens mais le plus dur était loin derrière. Elle sortit de sa chambre. Au bout du couloir, un homme sortit d'une salle, en blouse blanche. C'était Benoît. Il s'avança. Une profonde émotion traversa, alors, leur regard. Jeanne lui sourit et tandis que le jeune homme la prit dans les bras pour l'embrasser, elle lui murmura à l'oreille : "la vie commence enfin !"

 

FIN

 

18:48 Publié dans Nouvelle | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, amour, combat